Bon.

Je n’ai pas pour habitude de parler politique, parce que j’aime nos relations comme elles sont.

Mais là, des temps sombres sont devant nous et les heures sont comptées pour prendre les bonnes décisions.

Évidemment, chaque personne est libre de ses choix, et de ce en quoi elle vote. Mais il se peut que cette libertĂ© soit justement dĂ©sormais comptĂ©e, en annĂ©es, en mois, en semaines.

À la fin de ce mois et au dĂ©but du suivant, nous allons avoir deux votes qui font suite Ă  la dĂ©cision du PrĂ©sident de dissoudre l’AssemblĂ©e Nationale, dans le contexte des rĂ©sultats des europĂ©ennes.

Alors je décide de partager un peu de mon quotidien, sans prétention de dire à qui que ce soit quoi faire, juste ce que je vis depuis ma transition. Simplement du partage.

Je prĂ©cise que je n’ai pas choisi d’ĂȘtre trans, et je ne sais mĂȘme pas si je suis XY, XX ou autre, vu que je n’ai mĂȘme pas eu de caryotype avant ma naissance. Et je m'en fiche. Ce n’est pas un choix. On l’est, ou on ne l’est pas, on ne choisit pas d’ĂȘtre une personne trans, comme on ne choisit pas sa couleur de cheveux ou des yeux.

Mais depuis que j’ai entamĂ© ma transition, beaucoup de choses ont changĂ©es, et encore, j’ai une chance immense d’avoir un passing et d'ĂȘtre plutĂŽt dans les standards de beautĂ©.

Je ne suis pas une « personnalitĂ© publique », je ne suis pas une « influenceuse », ce n’est pas un business, c’est un plaisir et j’ai de la chance d’avoir une petite audience que ça intĂ©resse.

Mais il y a aussi l’envers de la chose.

Comprenez que ce n’est pas juste « le jeu du on ne peut pas plaire Ă  tout le monde », ce n’est pas juste « Tu t’exposes, normal qu’on vienne te critiquer ».

Ce sont des commentaires, voire des messages privĂ©s ou des appels, d’insultes et de menaces de mort.

Et pourquoi ? Parce que je ne suis pas compĂ©tente dans ce que je fais ? Parce que je dis des choses qui gĂȘnent ?

Non, rien de tout ça.

La raison est bien plus simple.

Parce que je suis une femme, et parce que je suis transgenre.

Et c’est une haine prĂ©sente, constante, qui ne se repose jamais.

CĂŽtĂ© lois, on pourrait penser que je suis protĂ©gĂ©e. Et c’est vrai qu’il existe encore des lois contre la transphobie, mais dĂ©jĂ  que les plaintes pour misogynies et actes de viols s’amoncĂšlent et n’aboutissent pas


DĂ©jĂ  que, par simple fait d’avoir terminĂ© ma transition administrative, je suis fichĂ©e aux renseignements et aux prĂ©fectures de polices, imaginez ce que cela peut donner si cela tombait sous un gouvernement moins enclin encore Ă  respecter nos droits.


Maintenant franchement, soyez honnĂȘtes.

Ce sont des personnes qui me promettent toutes les semaines que quand enfin, un certain groupe politique passera au pouvoir, ils seront libres de venir me violer, me frapper, me torturer et me tuer, moi et toutes les personnes qui sont "comme moi”.

Les violences physiques dans les rues envers les personnes LGBT ont repris, Lyon en tĂȘte, puis Marseille et Paris
 Mais c’est rĂ©pandu dans toutes les villes. Et je vous vois venir, les personnes responsables de ces violences sont bien blanches


Cette semaine en particulier, suite aux chiffres recors du parti de la haine, j’ai eu droit Ă  une recrudescence de menaces en messages privĂ©s. Des sƓurs et adelphes ont Ă©tĂ© violentĂ©es par ces votants “heureux de fĂȘter la victoire du RN”.

Sans dĂ©conner, vous pensez qu’il va se passer quoi si Ă  la fin du mois le RN prend des fonctions gouvernementales ?

Vous pensez qu’il va se passer quoi si Ă  la fin du mois, toutes ces personnes peuvent faire ce qu’elles nous promettent depuis 2 ans en toute impunitĂ©.

Et si vous vous dites que cela n’arrivera pas, Ă  coups de « quand mĂȘme
» , je vous rappelle qu’on est dans un gouvernement qui est dĂ©jĂ  complaisant sur le viol.

Alors oui, ça va demander du courage d’aller voter, ça va demander du courage de sĂ»rement mettre autre chose que ce que vous avez l’habitude de mettre dans l’enveloppe.

Et mĂȘme moi ça me tue de devoir donner une voix Ă  certains membres du PS, LFI, PCF ou autres. Tout ce que ces partis proposent n'est pas dĂ©nuĂ© d’oppressions coloniales, homophobes, transphobes ou validistes, et autres, j’en suis consciente. Mais on peut toujours dialoguer et les virer quand ils dĂ©bordent, avec le RN on n’aura pas cette possibilitĂ©. Le fascisme ne se prend pas la tĂȘte Ă  demander l’avis aux personnes concernĂ©es, elle est lĂ  toute la diffĂ©rence.

Oui, je n’ai aucune envie de voir un MĂ©lenchon, un Quatenens, un Guiraud, un Glucksman ou une Rousseau monter. Mais mĂȘme si ce sont des gens imbus d’eux-mĂȘmes, mĂȘme si ce sont des gens calculateurs, justement ils font attention aux opinions.

Bardella, les Le Pen et autres Ciotti, ne se donneront pas cette peine.

Parmi les personnes minorisées, ils ne feront pas de tri.


Nous avons appris.

Nous savons comment cela peut arriver.

Nous sommes plus fortes et forts qu’avant.

Nous savons ce qui a permis Ă  un recalĂ© des beaux arts d’accĂ©der au pouvoir en 33. Aujourd’hui notre gouvernement est encore plus instable que la RĂ©publique de Weimar. Que croyez-vous qu’il puisse se passer ?

Les insultes, les menaces, les dévalorisations, je peux les gérer et les encaisser.

Mais ne faites pas une chose qui pourrait d’ici Ă  quelques annĂ©es vous faire vous retrouver sur les quais d’une gare Ă  voir partir votre fille, votre fils, votre cousine, votre cousin, votre niĂšce ou neveu, vos petits-enfants ou vos oncles, tantes, proches, amis, dans un train qui pourrait ne jamais les ramener.

Et comme beaucoup, je suis assez certaine d'y ĂȘtre, dans ce train.

On a déjà essayé le RN.

Et on avait dit « plus jamais» .

N’oublions pas.