J'ai besoin de m'exprimer sur un sujet que j'ai mis 30 ans à aborder, un sujet qui, pourtant, me concerne pleinement, comme chaque femme, qu'elle ait ou non un utérus. Parce que j'en ai eu assez de tomber sur un énième message d'un homme cisgenre qui se dit féministe.
Être un homme, et se penser féministe, c'est juste ne pas vouloir être misogyne.
Et je dis bien vouloir, car comment vous seuls, vous pourriez parfaitement savoir que vous ne faites pas de misogynie, alors que nous-mêmes ont se remet constamment en question sur notre misogynie intériorisée par le patriarcat ?
Et souvent quand on vous le fait remarquer, quelle est la suite ? Nous expliquer que vous êtes plus féministes que les femmes qui doivent vous supporter tous les jours ? Nous expliquer que vous êtes plus féministes que les femmes qui se battent pour leurs droits ? Nous expliquer que vous êtes plus féministes que les femmes qui se battent pour leurs vies ?
Alors c'est super de ne pas vouloir être misogyne, vraiment.
Mais vous n'êtes pas pour autant féministes.
Appelez-vous alliés, appelez-vous soutiens, sympathisans, appelez-vous comme vous voulez, mais ne vous appelez pas féministes.
Certes on a besoin de se battre ensemble, mais pour le faire, il faut pouvoir encore voir et reconnaître le problème, et pour ça, il faut constamment se dire que non, non nous ne sommes pas dans une société qui nous égalise, et se dire féministe, c'est mettre votre privilège de côté et l'oublier, considérer vos souffrances au même plan que les nôtres, et donc, avoir une vision certes déjà un peu moins obscure, mais avec néanmoins d'énormes œuillères, alors que c'est précisément ça le problème à identifier, le privilège patriarcal.
Laissez-nous ce mot, laissez-nous ce combat, laissez-nous ce mouvement.
J'ai mis 30 ans à me considérer comme légitime de l'être, non pas à causes de personnes qui ne voulaient pas me voir comme telle, bien au contraire, mais juste à cause d'hommes qui se disaient féministes, et qui m'ont fait croire que je n'étais pas légitime à le revendiquer. Et ce sentiment, il n'est même pas totalement dû à ma transidentité, c'est une chose que j'ai cru au début, mais que j'ai compris en discutant avec des adelphes, que nous sommes nombreuses à avoir ce ressenti.
Voilà en quoi je me suis sentie invisibilisée, et comme d'autres, on laisse passer, et on laisse parler, encore et encore.
Donc non, je ne vous brosserai pas dans le sens du poil. Je ne vais pas vous dire que vous êtes des héros, que vous êtes courageux, que vous êtes des hommes bien. Je ne vais pas vous dire que vous êtes des modèles, que vous êtes des exemples, et surtout, surtout, je ne vais pas vous dire que vous êtes des féministes, parce que vous ne l'êtes pas.