Ce n’est pas un scoop, notre magnifique milieu du développement n'est pas aussi ouvert qu'il le laisse penser, et nous avons encore et toujours des personnes qui aiment s'écouter et ramener leur petit gatekeeping.

C’est souvent une affaire d’égo. On va essayer d'analyser tout ça, en se demandant « Comment Â» et non pas « Qui Â» l'idĂ©e n'Ă©tant pas de blâmer, mais d'en comprendre les ressorts systĂ©miques.

Le gatekeeping, c’est quoi ?

Alors, le gatekeeping, c'est une forme d'Ă©litisme dont l'image est assez parlante, les personnes d'un milieu donnĂ© s'auto-dĂ©terminent en videurs d'un « club select Â» de manière Ă  contrĂ´ler qui a le droit d'accĂ©der ou non Ă  certains pans dudit milieu (voire au milieu dans sont entièretĂ©).

On est Ă  100 % dans l'Ă©tablissement de normes (sociales, pas techniques), dont le gatekeeping est garant, et va venir empĂŞcher toute critique en protĂ©gant le status quo, et les personnes qui en bĂ©nĂ©ficient.

Il s'exprime sur toutes les Ă©chelles, du collectif Ă  l'individuel.

Collectif

Au niveau collectif, on a par exemple le fait de rendre l'accès plus difficile pour de nouveaux•elles arrivant•es, sous-entendu, parce que ça a été difficile pour nous, donc ça doit l’être pour tout le monde. Alors qu'on ne fait que reproduire des inégalités (de classe, de genre, etc.).

Dans la tech, par exemple, on rencontre souvent une « hiĂ©rarchisation des compĂ©tences Â» très souvent par la formation, au lieu de se concentrer sur la personne, ses compĂ©tences et ses qualitĂ©s humaines (qui sont tout aussi cruciales au niveau pro), on va jauger en fonction de ses Ă©tudes de manière stratifiĂ©e (les personnes issues de bootcamps, les reconversions, les IUT, les Ă©coles d'ingĂ©) et accorder un accès plus ou plus d'emblĂ©e basĂ© sur ce critères.

Ce n'est pas le seul critère, on a par exemple le genre, la classe sociale, etc. Enfin, toutes les intersections d'oppression quoi.

Je suis quasi certaine que tu as déjà été confronté·e à ces situations, par exemple en recrutement. Peu importe d'ailleurs de quel côté tu étais à ce moment là, candidat·e ou recruteur·euse, on a toustes vécu cela.

Individuel

Et cela déborde sur le niveau individuel, on veut pouvoir se frayer un chemin ou bien se maintenir dans le milieu, et donc le gatekeeping est une manière de présenter son expertise mais qui a pour effet, souvent silencieux, de faire baisser la confiance en elleux des autres personnes (et ce peu importe leurs compétences).

Cela ne signifie pas qu'il ne faut jamais critiquer objectivement une compétence, mais il est important de discerner quand c'est objectif et quand c'est imposé par une norme. Généralement, quand on dévie de la critique pour elle-même, et qu'on glisse sur les attaques ad-hominem (ou autres impertinences) c'est qu'on n'est plus tellement dans un but d'entraide mais dans une dynamique d'exclusion.

C'est basiquement, une manière de se mettre en avant en rabaissant les autres.

Une personne qui fait du gatekeeping, va inconsciemment perpĂ©tuer un cycle de blâme et d’égo chez les personnes qui vont se sentir exclues (et c'est le but), et qui vont soit :

  • automatiser Ă  leur tour, un rĂ©eflexe de gatekeeping, car cela est perçu comme la seule manière de se faire accepter
  • s'exclure et quitter le milieu

On en revient à l'ego et au blâme

On est complètement dans un système binaire qui oscille comme un pendule entre d'un côté blâmer la différence, et de l'autre, se valoriser pour éviter d'être à sont tour blâmé•e et exclu·e.

Le bonheur quoi.

C'est un système qui se nourrit de lui-même, sans vraiment de réflexion, ni d'auto-critique automatique. La critique demande en effet un effort supplémentaire, et a un coût, car elle est aussi, un facteur d'exclusion.

Egobitus barbatruc

Bon alors Marcy en parle bien mieux que moi, d’ailleurs tu peux retrouver son talk ici. Je vais certainement en parler avec beaucoup moins de finesse d’esprit qu’elle, l’habitus a été défini par Pierre Bourdieu comme à la fois une conséquence et une cause de nos structures sociales.

Dans la tech, on a affaire Ă  un habitus construit par l'ego.

L'habitus, c'est précisément le fait d'adapter son prisme de vision du monde et son comportement social, pour justement ne pas être socialement exclu·e d'un groupe.

Et l'habitus ne reste pas dans le cadre social, il influence tous les domaines de la vie par la suite (l'alimentation, les hobbies, les vêtements, la consommation, la culture, etc.) et donc c'est toute sa vision du monde qui est alors modifiée.

Et le plus terrible, finalement, c'est quand une personne parvient Ă  s'extraire de ces normes (parce que, heureusement, ce n'est pas impossible ni irrĂ©versible), elle se voit non seulement exclu·e mais en plus, on lui retourne, de manière fallacieuse, que c'est elle qui aurait rejoint un groupe excluant, « le fameux groupe qui exclu les personnes qui sont dans la norme dominante Â».

Spoiler alert, quand ledit « groupe Â» n'est pas dominant, c'est que ce n'est pas le cas. Il faut faire la diffĂ©rence entre exclure des individus par rapport Ă  leurs intersections pour maintenir un status quo, et exclure des normes de domination (normes qui excluent elles-mĂŞmes).

C'est comme intolĂ©rer l'intolerance elle-mĂŞme en sorte. On ne peut pas reprocher Ă  une personne de ne pas tolĂ©rer l'intolĂ©rance, oui parce que le « Paradoxe de l'intolĂ©rance Â» n'en est pas vraiment un, dès lors qu'on prend en compte qu'on donne deux sens distincts dans ce paradoxe1.

Si tu veux en savoir plus sur ce « paradoxe de la tolĂ©rance Â» de Karl Popper : c'est par ici.

L'Ă©go est paradoxal

L’égo ne se suffit pas Ă  lui-mĂŞme, l’égo cherche Ă  ĂŞtre validĂ©, l’égo a soif de reconnaissance. L’habitus, cause de notre conditionnement social adulte, va structurer ce besoin, et c’est ainsi que « naturellement Â» nous allons avoir une propension Ă  vouloir appartenir au groupe majoritaire, on aspire Ă  ĂŞtre acceptĂ© et on craint le rejet. Parce que la volontĂ© d’appartenance et la peur du rejet sont deux facettes d’une seule et mĂŞme pièce, et cette pièce, c’est notre Ă©go.

L’égo exige un prix

Alors je vais te demander quelque chose, tu peux le garder complètement pour toi seul•e, mais n’as-tu jamais ressenti cette propension Ă  se moquer d’un code « pourri Â», ou de clamer que telle bonne pratique est forcĂ©ment toujours excellente, ou que telle autre est « naze Â», le tout en cherchant des yeux l’approbation d’un pair ?

« HĂ©, regarde ce code mal Ă©crit, tu as vu ? Si je suis capable de le voir, c’est que je suis compĂ©tent•e non ? Hein ? Dis-moi oui ! Valide moi. Â»

Cogito ergo ego inutilem

Notre métier est humain, notre métier demande des interactions sociales, il est loin le mythe de la tour d’ivoire. L’égo brouille les communications et s'il te permet d'être validé•e, il te rend aussi dépendant•e de cette validation, mais en plus au sein d'un groupe de personnes avec lesquelles tu partages uniquement ça. Genre Gossip Tech, Blair Waldorf style.

Le principe de charité

Ce sera mon dernier pour cet article. Le principe Ă  appliquer pour soi et aussi pour les autres.

Je te propose de rĂ©pĂ©ter en mettant ta main sur le cĹ“ur :

« je jure solennellement de toujours supposer que les dĂ©veloppeurs•euses ont pris la meilleure dĂ©cision possible compte tenu du temps et des circonstances. Â»

Il est simple et court, mais à utiliser sans modération, toujours partir du principe que les personnes essaient de faire de leur mieux.

Ego Bye Bye

Oui c’est dur de se débarrasser de son égo. Mais nous avons des relations humaines et professionnelles au sein desquelles l’égo, non content d’être inutile, est délétère.

Savoir rire de soi tout en étant pleinement confiant de ses forces et de ses faiblesses (sans égo) et en ne blâmant pas les autres, c’est vraiment un super pouvoir.

Mais ce pouvoir n’est pas inné, il demande du temps et de la patience pour grandir et s’épanouir, et ça demande du courage (Pooookéééémoooon).

Mais surtout, j’espère que si tu as lu jusqu’ici, c’est parce que tu y as trouvé un intérêt, et si j’ai pu donner ne serait-ce que l’envie d’essayer, ou au contraire si j’ai pu te rassurer sur ce que tu fais déjà, c’est super.

Bref, pour finir, je pose ça ici :

https://www.youtube.com/watch?v=RkRTy-6v4kE&t=22s

« Ego, bye bye Â»

Xo Xo

Gossip Tech đź’…đź’…đź’…


  1. Plus il y a de fromage, plus il y a de trous, et plus il y a de trous, moins il y a de fromage, donc plus il y a fromage, moins il y a de fromage.