Bon alors...

Il va falloir parler des reportages M6 à un moment, parce que ça ne va pas du tout là.

Tout d'abord, je tiens à remercier les personnes qui ont pris le temps de me parler de l'émission. Vous avez bien fait de vous intéresser au sujet, et cela démontre que vous vous souciez de la question, ce qui me touche. Je vais être un peu abrupte dans ma critique de l'émission elle-même, mais pas de vous, je viens juste apporter des précisions en tant que personne concernée.


Pour les personnes intéressées, voici quelques précisions à apporter sur des informations erronées diffusées dans deux reportages. Ces fausses informations peuvent agacer au mieux et, au pire, empêcher les personnes concernées de faire leur coming out. Et nous savons malheureusement ce qui peut en résulter (pour information le taux de tentatives de suicides chez une personne non soutenue dépasse les 50%).

Quelques rappels préliminaires

Ça ne mange pas de pain, et il est à mon sens essentiel de le rappeler car ce n’est effectivement pas toujours su, mais :

  1. Les personnes trans ont toujours existé, dans toutes les cultures et à toutes les époques. Non, il n'y en a pas plus aujourd'hui, non, il n'y a pas d'endoctrinement, non, il n'y a pas d'influence (au contraire, forcer les gens à rester sagement dans un cadre normalisé et aliénant est bien réel). Pour plus d'informations, voir https://wikitrans.co/intro/
  2. 99,6% des personnes trans ne changent pas d'avis après avoir commencé une transition. Et dans les 0,4% restants, cela ne signifie pas nécessairement des regrets. Les facteurs principaux sont :

    • La pression des proches
    • La pression au travail
    • La pression mĂ©dicale (tiens donc, tous les mĂ©decins ne sont pas ouverts, incroyable 🤡)

    Environ 75% de ces 0,4% sont dus à des facteurs externes, ce qui signifie que cela ne reflète pas un choix personnel. De plus, la moitié des personnes qui font partie de ces 0,4% attendent simplement un moment plus opportun pour transitionner plus tard. Enfin, il est important de noter que de nombreuses personnes qui détransitionnent le font parce qu'elles se rendent compte qu'elles sont non-binaires et/ou genderfluid (ou autre), ce qui ne signifie pas qu'elles "reviennent" à leur genre assigné à la naissance.

    Encore et toujours, voir un reportage incessant sur M6 parler des « dangers de la détransition » alors que cela est au mieux anecdotique, c'est soit du foutage de gueule, soit de la récupération. Une fois de plus, on ne montre que ce qui nous arrange. Le fait que le reportage cherche absolument des cas de détransition à l'étranger montre assez bien qu'ils ont du mal à en trouver en France. Cela devrait mettre la puce à l'oreille. Bref.

Les mineur•es

Les transitions chez les mineur•es sont d'ordre social, tels que le changement de prénom, le changement de pronoms et l'identité, et sont donc totalement réversibles. Il s'agit de papiers et d'usages.

Actuellement, la seule chose proposée aux mineur·es sur le plan médical (sauf peut-être dans des cas extrêmement rares et très encadrés en France) est de bloquer leur puberté. Cette méthode est déjà utilisée dans des cas complètement distincts d'un questionnement sur le genre, et n'a absolument aucun impact observé sur la fertilité de la personne. Les médecins ont suffisamment de recul médical à ce jour pour être en mesure de le proposer. Et aucun danger direct pour la santé n’a été observé.

En France, on dénombre une 10 aine de cas de mastectomie sur des personnes de 17 ans. (Oui une 10aine de cas. Pas 100 mille, pas 10 mille, pas mille, 10 cas.)

Ils ont invité Ypomoni

Non sérieusement, fin de la blague. Ils ont invité Ypomoni, genre le pire collectif possible et imaginable. Ah bah super, allons-y. Au cas où vous souhaiteriez en savoir un peu plus sur ce collectif que je ne porte clairement pas dans mon cœur (et à raison) je vous envoie sur cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=jQJrBUeZMpw

L’« épidémie » trans

Restons sérieux•ses et parlons de choses réelles. Je ne sais pas si cela est dû au COVID, mais le terme « épidémie » ne doit pas être utilisé à la légère.

Comme précisé en rappel, il n'y a pas plus de personnes trans aujourd'hui. Il n'y a pas de "hausse" du nombre de personnes trans, il y a une hausse du nombre d'affirmations. C'est dingue dans une reportage de ne pas faire la différence !

Quand on cesse d'oppresser les gens et qu'on leur montre que c'est possible et qu'ils ne sont pas des monstres, les gens sortent de leur coquille. Qui l'aurait cru ?

Les risques sur la santé

Oui, il y en a.

Ce qui m'étonne, c'est qu'au lieu de présenter cela comme une catastrophe, M6 ne songe pas à se dire que faire une transition médicale (pour les adultes, nous le rappelons) témoigne d'une sacrée volonté en pleine adéquation avec son genre, malgré les risques connus. En aucun cas, il ne s'agit d'une partie de plaisir, et personne ne le fait à la légère.

Qui plus est, c’est largement encadré. Par exemple, je dois effectuer quatre prises de sang tous les trois mois, et encore, parce que j'utilise la version la plus douce. Pour d'autres personnes, c'est tous les mois, voire toutes les semaines. Donc non, on ne va pas mourir du jour au lendemain d'un AVC parce qu'on a commencé une transition.

De plus, il est ironique que certains nous alertent sur les dangers de la transition alors qu'ils fument deux paquets par jour. Bref, c'est l'hôpital qui se moque de la charité.

La base de données des médecins transfriendly

Oui, elle existe. Et ?

D'ailleurs, mon médecin actuel ainsi que les autres professionnel•les de santé que j'ai consulté•es (psychologue, orthophoniste, etc.) m'ont été recommandé•es par cette base. Bien qu'elle ne soit pas à jour, il est important de parler de médecins et de structures sûres pour se protéger. Le principe est le même que pour les recommandations de gynécologues, de psychologues, etc.

La psychiatrisation des personnes trans

  1. "On devrait d'abord vérifier qu'il n'y a pas quelque chose derrière.”

Bon, voilà le fameux argument des medias qui refusent simplement de voir la réalité. C’est que justement, c’est souvent précisément ça, la chose qui est “derrière” (même si je n’aime pas le terme). J’ai passé 29 ans à me questionner, et c’est le cas de la plupart des personnes lgbt+ de mon âge, comment peut-on sérieusement penser, après de tels temps de questionnements qu’on est simplement “bêtes” de pas voir qu’il y a probablement quelques chose de caché derrière. La vérité, bien souvent, c’est qu’il n’y a rien, tout simplement, c’est précisément cela, d’autant plus compte tenu de ces 99,6% des personnes qui avancent sereinement dans leur transition (et dont on aimerait bien plus voir les interviews).

Et quand bien même, par exemple, être autiste et trans ne sont pas mutuellement exclusifs (comme supposé dans le reportage). Au mieux, cela signifie simplement que l'on découvrira quelque chose de plus. Cela peut être une bonne chose de le diagnostiquer, mais cela reste à la discrétion de chaque personne d’en décider. Ensuite, cela revient à mettre sur un même pied d'égalité les problèmes de santé mentale et la transidentité... cela ne vous rappelle-t-il rien des années 70-80, lorsque les homosexuels étaient psychiatrisés ? Être trans n'est pas une pathologie, donc mettre les deux sur un même plan de la part d’une émission à forte audience, c’est à la fois transphobe et psychophobe.

  1. “L'avis d'un•e psychiatre est indispensable”

Bah non, puisque ce n'est pas une pathologie. D'ailleurs, ce n'est plus légalement obligatoire.

Cependant, si vous en ressentez le besoin en tant que personne trans, évidemment que cela peut être bénéfique comme soutien. Notre santé mentale est précieuse, que l'on soit trans ou non d’ailleurs.

Et pour préciser, l'avis d'un•e psychiatre n'est une bonne chose que pour calmer la pression sociale, donc en soi dans le parcours, ce n'est pas essentiel.

Et pour en rajouter, dans les chiffres, la dépression diminue après que la personne a entamé sa transition. Maintenant ce n'est pas systématique et cela peut prendre du temps, d'autant plus quand on est constamment entouré•es de transphobie.


Conclusion

Bon évidemment je réagi à deux reportages d’une chaîne dont le principal objectif tient plus à la sensation qu’à réellement faire preuve d’objectivité en la matière. Et il est important de garder une vision critique de ce genre d’émission. Encore plus lorsqu’elles se parent parfois d’un role de sachant et d’aidant.

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas en parler, au contraire, en revanche, il faut simplement savoir que toutes les associations et tous les collectifs autour du sujet, ne sont pas nécessairement les plus bienveillantes.

Le sujet suscite des craintes, et je ne dis pas qu’il est grave en tant que parent ou proche de s’inquiéter, en revanche, il est grave de se conformer à une norme ou de s’auto-persuader sans être à l’écoute des personnes concernées.

Si vous avez besoin de ressources sur le sujet :

Prenez soin de vous et de vos proches, iels ont bien plus besoin de soutien que de critiques.