Merci Magali pour ta relecture et tes conseils !

D'ailleurs, si tu ne connais pas son travail, je t'invite à aller voir son site, elle écrit des choses trÚs chouettes, elle donne des confs, elle développe et elle forme !


Je vais te le dire tout net, je ne suis pas lĂ  pour te brosser dans le sens du poil, je suis lĂ  pour bousculer nos constructions et nos schĂ©mas mentaux. Et j’insiste sur « nos », car personne n’est exempt‱e de schĂ©mas intĂ©riorisĂ©s Ă  dĂ©construire (la misogynie en est un, le colonialisme en est un autre, l’homophobie Ă©galement, etc.). Ce sont des efforts Ă  faire constamment, dĂ©jĂ  parce que c’est synonyme d’amĂ©lioration, mais aussi et surtout parce que cela permet de dĂ©systĂ©matiser progressivement les vecteurs d’oppressions.

La norme privilégie

Parce que ce sont les normes qui sont les socles d’oppressions des personnes les plus privilĂ©giĂ©es sur les personnes les moins privilĂ©giĂ©es, d’ailleurs, avant de continuer sur la misogynie (et les oppressions) je t’invite Ă  te positionner sur la roue des privilĂšges:

![La roue des privilÚges vierge, c'est une roue concentrique constituée de 3 étages et de 13 sections, ce qui donne, par section et chaque fois du centre vers l'extérieur :

  1. Citoyenneté : Citoyen·ne, Détenteur·ice d'un visa ou permis de travail, Sans-papiers
  2. Ethnicité : Blanc·he, Perçu·e comme Blanc·he, Racisé·e
  3. Couleur de peau : Blanche, Teint mat, Noire
  4. Éducation : Diplîme post-secondaire, Diplîme secondaire, Aucun diplîme
  5. Capacité physique : Pas d'invalidité, Invalidité partielle, Invalidité importante
  6. Orientation sexuelle : Hétérosexuel·le, Homme cisgenre homosexuel, 2ELGBTQIA+
  7. Neurodiversité : Neurotypique, LégÚre neuro-divergence, Neuro-divergence importante
  8. Santé mentale : Robuste, Généralement stable, Vulnérable
  9. Taille corporelle : Mince, Moyenne, Gros·se
  10. Logement : Propriétaire, Locataire, Sans-logement
  11. Richesse : Riche, Classe moyenne, Pauvre
  12. Langue : Anglophone, Unilingue francophone, Aucune langue officielle parlée
  13. Genre : Homme cisgenre, Femme cisgenre, Minorité de genre]( /posts/2023-12-07-pourquoi-calme-toi-est-misogyne/rdp.jpg)

petit spoiler, plus tu es au centre, plus la vie est simple pour toi (je ne dis pas qu’elle est facile de maniĂšre absolue, mais elle t’es plus agrĂ©able, et tu as moins Ă  lutter, que la mĂȘme personne qui se trouve Ă  un Ă©tage plus loin du centre), voici la mienne :

![Ma roue des privilĂšges, sur laquelle je peux poser mes intersections :

  1. Citoyenneté : Je suis citoyen·ne
  2. Ethnicité : Je suis blanc·he
  3. Couleur de peau : Ma peau est blanche
  4. Éducation : Je suis diplĂŽmĂ©e post-secondaire
  5. Capacité physique : J'ai une invalidité partielle
  6. Orientation sexuelle : Je suis une femme trans lesbienne
  7. Neurodiversité : J'ai une neuro-divergence
  8. Santé mentale : Je suis généralement stable
  9. Taille corporelle : Je suis de corpulence et de taille moyenne
  10. Logement : Je suis propriétaire
  11. Richesse : Je suis pile dans la classe moyenne
  12. Langue : Je suis anglophone
  13. Genre : Je suis une minorité de genre](/posts/2023-12-07-pourquoi-calme-toi-est-misogyne/mardp.jpg)

Donc on voit que par exemple je coche dans bien des endroits des cases qui me rendent tous les jours la vie plus compliquĂ©e, mais que sur d’autres plans, ma vie est plus simple et je me pose moins de questions sur, par exemple, le fait d’avoir de quoi manger ou un toit sur la tĂȘte, les gens, du fait de ma couleur de peau, m’accordent immĂ©diatement par dĂ©faut une confiance que ne bĂ©nĂ©ficie pas une personne racisĂ©e, donc je n’ai pas Ă  prouver que je suis digne de confiance la plupart du temps.

En revanche, mon genre peut poser problĂšmes, j’ai dĂ©jĂ  eu des amendes Ă  cause de mon genre, juste comme ça, ou on m’a refusĂ© l’accĂšs Ă  des commoditĂ©s du fait de mon genre, sachant que j’ai un handicap qui y est liĂ© et qui aggrave la situation, enfin, sans m’étaler sur le sujet, ce sont des exemples, pour comprendre les points oĂč nous jouissons de privilĂšges parce que nous correspondons bien Ă  une norme, et les points oĂč nous subissons des oppressions, car nous sommes en dehors de ces normes.

On en déduit quoi du coup ?

On va rĂ©pĂ©ter une chose simple : CE N’EST JAMAIS UNE ERREUR SI VOUS ÊTES VERS L’EXTÉRIEUR, VOUS AVEZ UNE VALEUR HUMAINE INDISCUTABLE.

D’une part, votre forme dans ce cercle peut Ă©voluer, du jour au lendemain on peut tout perdre, se retrouver sans travail, ou se retrouver sans toit, il peut nous arriver un accident grave qui nous place automatiquement dans un handicap grave (qu’on payera par exemple double par une sociĂ©tĂ© qui nous exclue, alors que l’accident n’est pas mĂ©ritĂ©) on peut Ă  l’inverse se retrouver dans une situation d’opportunitĂ© financiĂšre qui nous offre des privilĂšges.

Dans tous les cas, c’est utile de savoir se placer (et de conserver en tĂȘte que le cercle lui-mĂȘme peut Ă©voluer, si un jour un Ă©lĂ©ment n’est plus discriminant, ou au contraire, si un autre s’ajoute1) de savoir qu’on ne “mĂ©rite” pas ce qui nous arrive et/ou qui on est, d’oĂč on vient, nous comme les autres, c’est un Ă©tat, c’est comme ça, ce n’est pas un choix.

Le rapport avec “calme toi” qui est misogyne

Donc fort‱es de tout ça, que peut-on dire de nos normes intĂ©riorisĂ©es ?

Une fois qu’on a intĂ©grĂ© le systĂšme de privilĂšges, on comprend de fait que quand on se retrouve face Ă  une personne qui exprime SON RESSENTI LÉGITIME MÊME SI C’EST AVEC VÉHÉMENCE, C’EST LÉGITIME, vis Ă  vis d’une oppression qu’elle vit TOUS LES JOURS, et que soit tu l’as intĂ©riorisĂ©e comme invisible, soit que tu n’as tout simplement pas parce que tu n’y es pas sur le cercle, ALORS, c’est Ă  ce moment qu’il faut impĂ©rativement TAIRE ton rĂ©flexe de vouloir que la personne se calme, parce que c’est PRÉCISÉMENT LUI FAIRE SUBIR L’OPPRESSION QU’ELLE DÉNONCE.


Autrement dit, quand je parle de transmisogynie, venir me dire de me calmer, ce n’est pas le geste que tu crois, tu oppresses et tu fais taire sur un sujet qui, bien au contraire, DOIT ĂȘtre mis en exergue.


Et si ton rĂ©flexe aprĂšs ça, est de te dire qu’il y a des moyens “moins colĂ©riques” (donc plus calmes) de l’exprimer, relis cet article, parce que tu n’as pas compris


Tu n’as pas Ă  dire aux personnes moins privilĂ©giĂ©es sur un sujet que toi comment exprimer ce qu’elles vivent et que TU NE VIS PAS.

Je sais que le sujet va sĂ»rement en fĂącher quelques un‱es, mais toi, garde en tĂȘte que tu as deux choix maintenant qui s’offrent Ă  toi :

  • soit persister et te sentir frustré‹e, vexé‹e ou agacé‹e (PS : c’est aussi un privilĂšge de pouvoir s’en offusquer, c’est plus simple quand on n’a pas l’oppression en question de s’offusquer qu’on la pointe)
  • soit l’accepter, et venir en discuter, pour apprendre ce que vivent les personnes qui sont concernĂ©es (et ce que tu aurais pu ou vivras peut-ĂȘtre un jour d’ailleurs)

Il y a d'ailleurs un terme pour le fait d'exiger d'une personne qui expose ses oppressions de se calmer ou de s'exprimer autrement : c'est le tone policing, mais ça, on en parlera dans un prochain article 👌 !

Bisous


  1. Malheureusement plus vraisemblable.