Hier, j'ai parlé d'une expérience où j'ai dû être ferme et affirmer mon identité de genre. Et vous avez été pas mal à réagir, merci d'ailleurs, beaucoup de réactions étaient touchantes. Et le type de réactions dont on va parler dans cet article l'étaient tout autant, mais elles me font toujours ressentir une pointe de tristesse. Je parle des messages qui me trouvent courageuse ou inspirante.
Je ne pense pas être si courageuse, et dans tous les cas, je ne pense pas qu'il faudrait que je le sois. On ne devrait pas avoir à braver de tels risques pour exprimer qui nous sommes. Ça fait partie de notre identité, c'est notre identité. Et c'est tellement triste qu'il faille du courage pour simplement la dire. C'est tellement épuisant, car cette confrontation-là, j'en ai eu des turpitudes depuis un an en fait, ça fait un an que je jauge les risques d'être en danger entre dire ou faire genre comme si de rien, je me dis « Peut-être que j'aurais pas besoin de m'outer aux voisins, que ça passera sans rien, au pire je ferais genre je suis sa sœur ou sa cousine, ça passe non ? »
C'est horrible hein ? Être dans un monde où on est sous un couvercle de tant d'ignorance, qui nie tellement nos existences qu'on envisagerait de se présenter comme saon propre proche... Et si vous êtes concerné·e, ne vous dites pas ça, je sais que c'est très tentant, et en soi je ne vous en voudrai jamais, mais c'est tellement, tellement violent. Ce n'est pas à normaliser punaise, ça ne devrait jamais l'être. Jamais.
On ne devrait pas passer notre temps à jauger, on ne devrait pas avoir la boule au ventre de savoir si on va être en danger ou non. Et je parle d'un voisin là, mais nos proches, nos relations pros, c'est pareil, nos coming out sont terrifiants. Et ça ne devrait pas.
J'ai tellement eu peur de l'annoncer à la famille, anticiper leurs réactions, ce que ça pourrait créer comme retours pour moi mais aussi mes parents, ma sœur. La jauge.
J'ai tellement eu peur des relations pro, je me souviens avoir passé des mois à me décider et rédiger un email à toute ma clientèle d'hébergement pour la facture annuelle, vu que mon nom de facturation devait changer. La jauge.
J'ai tellement eu peur des réactions de mes ami·es, d'ailleurs j'en ai perdu·es. La jauge.
Et puis non, on a des milliers de raisons de ne pas toujours être fermes, j'ai des privilèges qui me permettent de le faire aussi, des choses que je n'envisage même pas dans ma jauge de pour et contre. Ce n'est pas du courage, c'est une jauge, et cette jauge elle a un résultat à chaque fois qui ne dépend pas d'un courage. Si de courage il était question, ne faudrait-il pas aussi ce même courage pour continuer sans s'outer ? Qui fait preuve de courage ?
Donc pour les personnes concernées, personnes trans, non-binaires, ou toutes autres intersections finalement, où l'enjeux est similaire, ne suivez pas ce que je fais comme « un exemple de courage » je n'en suis pas un. Ne vous faites pas du mal au cerveau pour vous outer parce que moi ou un·e autre adelphe le fait. J'ai fait un choix, déjà en ligne, ici, sur mes réseaux, même en stream, c'est mon choix, mais déjà dans mon cercle privé j'ai pris énormément de temps, de réflexion, je me suis dit des choses horribles. Je ne vous souhaite pas ça, ne vous contraignez pas, si vous le sentez et êtes safe, go, sinon ne vous culpabilisez pas, c'est tout autant de courage, s'il fallait vraiment parler de courage.
Et surtout, je suis pas exempte de faire ou dire des âneries, j'apprend, je me plante, parfois sous une impulsion parce que j'en ai marre de suffoquer... Je peux être ferme, mais c'est moi, mon caractère.
Et pour les autres personnes qu'on admire, petit rappel, que ce soit qui que ce soit, burn your idols. Même mieux, commencez par ne pas en avoir.
PS : En parlant de burn your idols, j'en profite pour vous parler du podcast de Magali : https://shows.acast.com/burn-your-idols
Bref.