La triste ironie de nous comparer à des Cassandre, surtout quand on sait que Cassandre avait raison.
Nous sommes le 21 Janvier 2025, et normalement je devais faire un article sur le Hug Day. J'aurais aimé faire un article qui n'en serait pas moins essentiel, mais ce ne sera pas possible.
J'en ai marre qu'on minimise nos alertes, j'en ai marre que les mêmes préviennent et que les mêmes n'écoutent pas, ou nous expliquent comment on aurait dû les prévenir. J'en ai marre qu'on nous compare à des Cassandre, quelle ironie quand on sait que justement Cassandre avait raison au final. D'ailleurs comme dans le roman d'Asimov où Seldon était moqué de Cassandre alors qu'il avait tristement raison. (Mais lisez plutôt Becky Chambers qu'Asimov).
Cela fait des années que nous prévenons des dérives dangereuses de certaines personnalités, et personne ne prend ça au sérieux. Vous préférez vous murer dans ce qui vous est confortable. On vous dit de brûler vos idoles, mais vous vous attachez à leurs discours, à leurs univers, à leurs fictions sans voir la réalité des oppressions qu'elles gérèrent et dont vous êtes complices. Mais à un moment il vous faut quoi de plus pour que vous admettiez ce qui crève les yeux ? On ressort les publications des journaux des années 1930 pour vous montrer qu'elles sont proches des mêmes publications moins de 100 ans plus tard ? Que vous faut-il de plus que les exemples d'Italie, de Hongrie, et j'en passe et leur plongeon total dans le fascisme ? Ou ça non plus vous ne comprenez pas les enjeux et vous préférez avoir une vision touristique de ces pays ? Que vous faut-il de plus que l'un des hommes les plus riches et puissants de ce monde fasse deux fois un salut nazi en pleine investiture de son président ? Ou ça aussi vous allez trouver encore des excuses parce que vous ne voulez pas admettre que vous soutenez un fasciste ?
Spoiler, ça a déjà commencé.
Et ça nous ressort du « Mais comment est-ce possible que le peuple ait accepté les horreurs de 39-45 quand même ».
Comme ça.
Précisément.
Comme ça.
Cela fait depuis la fin des années 2010 que les personnes minorisées hurlent à l'aide et vous alertent. Et rien. C'est bien de se plaindre que nos politiques sont déconnecté·es, c'est mieux de faire l'effort de ne pas l'être soi-même. On préfère se focaliser sur des leurres médiatisés, plutôt qu'écouter nos semblables. On préfère craindre une violence factice, menaçant le confort de privilèges ou d'idéaux, plutôt qu'écouter la violence d'état qui pèse sur un peuple. Parce que cette violence s'est accentuée peu à peu dans nos quotidiens de personnes minorisées, et les discours enjôleurs publics cachent des actes d'oppressions concrets.
Ils sont là, pendant que les projecteurs sont tournés vers « qui profite », on se compare, on se divise, pendant que les autres avancent, coupant les droits de minorités petit à petit, s'autorisant à ne plus les voir comme humains, et ce n'est même pas fait dans l'ombre, il suffit de regarder. C'est totalement décomplexé. Il n'y a même pas d'effort à faire pour le cacher, les gens décident de ne pas voir. Et c'est ce 20 janvier 2025, devant une foule acclamante que se dessine un funeste destin, devant la répétition d'un geste qui a scellé maintes fois le destin de tant de vies humaines. Un salut que nous n'aurions jamais souhaité revoir.
Parce que oui, nous ne voyons rien, je suis outrée de voir que les journaux autant que mes semblables cherchent à tout prix à y voir autre chose. Soit vous savez pertinemment, et vous êtes de piètres âmes, soit vous êtes dans le déni, ou la peur.
Le foutage de gueule est immense, et heureusement qu'au moment où j'écris ces lignes, celles et ceux qui m'entourent ont compris ce qu'il se passe. Vous n'êtes pas une majorité, mais par pitié, ne les laissez pas faire de vous une majorité, ouvrez les yeux, cela vous concerne également.
Ne devenez pas cette majorité silencieuse qui laisse faire. Ne vous mettez pas le regret des personnes qui se sont rendues compte que trop tard, une fois que c'était leur tour. Ne soyez pas complices de ça. Ne donnez pas raison à Niemöller quand il écrivait :
Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.
Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester.
Ils ne sont pas encore venus nous chercher. Il est encore temps de changer les choses, ce n'est pas encore écrit. On peut s'opposer, on peut les mettre en échec.
Il est encore temps de comprendre à quel point c'est grave. Ce n'est pas un geste du cœur, ce n'est pas un milliardaire qui fait sa com, c'est un signe de ralliement.
Et je suis fatiguée de prévenir, je suis fatiguée de voir mes adelphes expliquer. Mais peut importe à quel point je suis épuisée, aussi longtemps que je serai sur cette pauvre Terre, je ne vais pas me taire. J'ai l'intention de me battre, jusqu'à mon dernier souffle s'il le faut, mais je refuse de laisser encore une fois des horreurs se reproduire. Je refuse de faire partie de celles et ceux qui laissent faire.
Nous avons appris.
Nous savons qu'en agissant, qu'en parlant, qu'en rappelant, qu'en nourissant notre ménoire historique nous avons une longueur d'avance par rapport à l'inertie de 33-39, mais c'est un bien précieux et fragile, il en va de notre survie.
Nous sommes au croisement, devant nous deux choix historiques. D'un côté les heures les plus sombres de notre histoire européenne, de l'autre les moyens de construire le Tissu Social de 1789. N'oublions pas. Nous ne sommes pas seul·es.
Ce n'est pas le point médiant qui nous menace, ce ne sont pas ce qu'ils appellent « les wokes » qui nous menacent, ce n'est pas la « bien pensance » ou les « donneurs et donneuses de leçons », on n'a plus le temps là.
Nous ne sommes pas seul·es à nous indigner de cette monarchie ploutocrate, et je ne peux pas concevoir qu'on oublie à ce point l'héritage de nos ancêtres et les leçons à en tirer, je ne peux pas concevoir qu'on ne prenne plus en compte la richesse multi-culturelle populaire, voire qu'elle soit vue péjorativement.
Rien n'est joué.
Rien n'est fait.
Toute personne en ce Tissu Social dense et populaire peut faire changer les choses à son échelle.
Mais pour ça il faut admettre.
Ils ont l'argent, mais nous on a déjà prouvé que ce n'était pas suffisant face au nombre et à nos convictions.
Il est encore temps de faire bifurquer le train qui nous mène à une redite du IIIe Reich pour une Révolution.
C'est bien de faire un mémorial, c'est encore mieux de ne pas oublier et d'éviter qu'on en ait encore à ériger.
Nous avons encore le droit de nous indigner, nous avons encore le droit d'agir, de nous unir.
Demain, nous ne l'auront peut-être plus.
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