Bon, j'ai mis du temps à me décider à parler de mon THS, mais vu que je viens juste de passer les 3 premiers mois depuis un peu plus de deux semaines, je peux me servir du blog pour me sortir les choses de la tête et m'autoriser aussi à voir le chemin déjà parcouru, et si cela peut apporter des infos et encourager nos adelphes, c'est encore mieux.


Disclaimer

Je vais aborder mon THS, il suit certes pour le moment un process "standard", mais il reste adapté à mon profil médical. Compte tenu de mes antécédents médicaux, nous avons opté avec mon médecin pour la monothérapie, qui est uniquement basée sur la prise d'œstrogènes, ce qui peut ne pas être ton cas ou celui des personnes trans sous THS que tu connais. Pour plus d'informations, le site Wiki Trans regorge d'informations, par exemple :

https://wikitrans.co/ths/fem/principes/.

Autrement dit, attention à ne pas se baser à 100% sur mon vécu qui est spécifique.


Petit contexte

Je vais prendre 5 minutes pour planter le contexte, j'ai eu une longue période de 15 ans à accepter très lentement mon genre et mon identité (chaque personne est différente, mais les longues années de coming in, c'est assez récurrent).

Puis, 6 mois avant mes 30 ans, une partie de ma vie a été chamboulée, c'était un peu voulu, un peu subit, et cela m'a légèrement donné le sentiment de foutre ma vie en l'air, je ne vais pas te le cacher1.

La prise d'hormones

Je passe la partie qui visait à me comprendre et qui m'a fait basculer du coming in au coming out, et les divers forums et discords, c'est assez personnel, puis cela n'est pas tellement pertinent. Bref, je me retrouve donc quelques jours après mon coming out aux parents, dans le cabinet d'un médecin trans friendly que j'ai trouvé grâce à Fransgenre et on décide de commencer le traitement, nous sommes le 2 novembre 2022 et je me retrouve le soir même avec mon premier flacon d'œstradiol, récupéré en pharmacie.

Et c'est parti pour 3 pressions par jour2 à étaler sur la peau (⚠️ Attention : il y a des zones précises à respecter et d'autres à surtout éviter).


Appliquer l'œstradiol

Petits conseils que j'ai pu avoir sur les 3 premiers mois qui se sont avérés très utiles (voyez quand même toujours avec un médecin) :

  • Le principal, c'est d'étaler sur la plus grande surface possible et en couches les plus fines possibles,
  • Essayer de pas faire toutes les doses au même endroit,
  • On peut répartir les doses dans la journée ou bien les mettre au même moment,
  • Surtout pas sur les seins,
  • Les zones qui absorbent le plus sont :
    • L'intérieur des cuisses
    • L'intérieur des avant-bras
    • Le dessus et l'arrière des épaules
    • Le bas du ventre (sous le nombril et au-dessus de vous savez quoi 😏)
  • Perso pour maximiser l'absorption, j'étale avec une spatule plastique, type maryse, qui du coup ne sert plus qu'à ça, en outre cela permet :
    • D'éviter d'en avoir sur les mains, parce que tout ce qui reste sur les mains, ce n'est quasiment pas absorbé
    • D'éviter de déposer ses œstrogènes de partout après et donc de contaminer d'autres personnes3
    • De bien correctement étaler le produit sur la peau et avoir une superbe absorption dans l'organisme
    • De faire sécher le produit plus vite, ce qui permet de ne pas devoir se lever 2 heures plus tôt le temps que ça sèche et être à la bourre au taff

En petite information utile : quelques jours avant une prise de sang, je recommande de ne pas étaler d'œstradiol sur la zone où aura lieu la prise de sang, cela peut rendre les résultats erronés et aberrants.


Maintenant les effets...

Alors cela varie d'une personne à l'autre et la chronologie, l'intensité et l'apparition d'effets n'est jamais vraiment identique, donc je ne vais parler que de ce que je sais, à savoir mon cas, en espérant que cela te donne au moins une idée.

Les effets sur le moral

Les premières semaines, absolument rien n'a changé pour moi, ce qui m'a fait me poser pas mal de questions. Et bien que je ne m'attendais certes pas à des changements radicaux, les discussions avec d'autres personnes qui commençaient leur THS m'ont mis pas mal de doutes sur le dosage et les effets. En effet, je voyais d'autres personnes avec des changements physiques et/ou moraux, et moi rien, ce qui peut éventuellement interloquer sur la pertinence de la monothérapie, toutefois mon médecin m'ayant prévenue, je décidai de continuer et lui faire confiance. C'était plutôt une bonne idée, dans mon cas.

À la fin du premier mois, c'était parti pour les changements d'humeur, alors aucune nouvelle émotion, juste les mêmes, mais ressenties avec énormément d'intensité, et toutes pêle-mêle, en même temps. Quand on n'est pas habituée, ça surprend. Impossible de les trier ou de gérer cet afflux émotionnel incohérent et inextinguible.

Conclusion, des sautes d'humeur et beaucoup, beaucoup de temps pour apprendre à se connaître, parce que finalement, c'est la seule chose que je pouvais faire. Donc apprendre à se connaître, pas chercher à contrôler, et juste pouvoir voir venir les moments up et les moments down. Et surtout informer les personnes autour que je ne suis pas dans un bon moment, ça j'ai encore du mal avec tout le monde, mais parfois juste dire qu'on n'est pas dans une bonne phase, ça permet de mieux la passer (et éviter les incompréhensions aussi).

Pour le reste du mental, avoir commencé à parler au quotidien avec d'autres personnes trans, c'est vraiment cool, et aussi découvrir des allié•es un peu autour de soi ça aide vraiment.

Les effets sur le physique

Là aussi, c'est propre à chaque personne, d'autant plus que, dans mon cas, j'ai repris en même temps les séances à la salle (tranquillement, juste 2-3 séances de 1h30 par semaine, rien de plus).

Le premier mois, pas grand-chose, mes proches me disaient que j'avais les traits du visage plus fins, mais même encore aujourd'hui, j'ai de sérieux doutes. Je pense que c'est le fait d'avoir fait mon coming out, disons que cela produit certains biais de confirmation. Si je ne l'avais pas dit, spontanément, on ne me dirait pas que j'ai des traits affinés.

J'ai également commencé les séances de laser du visage pour en finir avec l'ombre de la barbe, point très problématique chez moi au niveau moral, je n'en ai pas encore terminé à l'heure où je tape ces lignes, mais au bout de 3-4 séances les résultats sont nettement plus agréables (et le maquillage, ça aide).


Petit conseil make-up : l'anticerne jaune / orange clair, c'est top pour cacher un peu la couleur (ça ne dissimulera pas la texture, mais c'est déjà un début).


Au cours du deuxième mois, ma poitrine a commencé à se développer (sans atteindre un A, faut pas déconner) donc bienvenue aux douleurs à ce niveau-là, sur ce point nous ne sommes clairement pas égales, après mes douleurs sont quand même relativement gérables4.

De temps en temps, de manière plus ou moins régulière, je sais que je vais avoir genre 2 jours par mois de maux de ventre, plutôt en fin de mois, mais sans plus pour le moment (tiens d'ailleurs la semaine d'avant, c'est souvent une semaine où le moral est au plus bas).

Pour le reste, hé bien, je n'en sais rien, globalement ma taille s'affine ainsi que mes jambes, mais je ne saurais dire si ce n'est pas plutôt par le sport (ce qui est quand même le plus probable).

Les autres effets

Je ne savais pas où mettre ce dernier point, et c'est d'ailleurs encore plus vague, car là, c'est relatif à ma vie plus générale, mais une transition ce ne sont pas uniquement des hormones. Notre esprit change, ou du moins, il s'affirme, se confirme. Une fois le passage pris, nous ne verrons ni ne vivrons plus jamais les choses de la même façon, ça, c'est une certitude pour ma part. Et je ne le regrette en rien, car je suis enfin moi-même.

Maintenant, on souffre, autant se le dire tout de suite. On en bave, et on se met potentiellement en danger. Mais on n'est pas seul•es, et ça, ça compte.

Donc au niveau des relations, la transition, ça trie, les ami•es, les relations plus intimes, la famille. Oui, ça change, on va être déçu•es par des personnes qu'on n'aurait pas soupçonnées, on va également couper les ponts avec d'autres, mais on va aussi (re)découvrir des personnes formidables, et extrêmement concernées ou alliées qu'on n'attendait pas. Niveau pro, c'est aussi une épreuve, j'ai eu de la chance pour le moment dans ma nouvelle entreprise, mais ce n'est pas systématique, et ce n'est pas forcément écrit dans le marbre.

J'ai ouvert ce blog pour m'ouvrir un peu par exemple, parce qu'il y a des jours où je m'enferme et que c'est un rare outil pour m'exprimer (que ce soit publié ou non d'ailleurs). Je (re)fais aussi des lives twitch par exemple, et je me permets de m'ouvrir beaucoup plus à certaines personnes, là où par le passé, je n'aurais jamais osé faire ne serait-ce que 10% de ces discussions.

La communauté

Ah oui, un autre point, la communauté trans est quand même présente en ligne, si tu as besoin, il y a du monde que ce soit sur Tiktok, sur Twitter (si Twitter existe encore quand tu vas lire ceci), etc. Nous ne sommes pas seul•es (oui, je le dis souvent, mais c'est important). Maintenant deux-trois choses :

  • Suivre les réseaux trans, c'est aussi potentiellement croiser des avis contraires, vu qu'on a tendance à réagir à des propos assez durs à notre encontre (transphobie, TERFs, etc), ça ne veut pas dire qu'il faut tous les lire aussi, et cela ne veut pas dire que tu ne peux pas t'en protéger, tu as le droit de refuser d'y être confronté•e
  • Une personne n'est pas automatiquement sympa parce qu'elle est trans (bah oui hein, nous restons des êtres humains)
  • Je ne vais probablement pas me faire des ami•es, mais oui, parfois en ligne les trans se lâchent un peu (et iels ont raison) oui, il y a une tendance au parler un peu cru et aux vannes débridées. Quand on aime bien, mais pas h24 (c'est mon cas par exemple) ça peut vite gonfler, mais ce n'est pas une généralité et je pense que toute personne comprendra si on lea recadre gentiment. Ce n'est pas parce qu'on quitte une norme hétéro qu'on doit obligatoirement plonger et se conformer à une autre, puisque même pour des vannes, le consentement, c'est primordial.

Bon, sur-ce j'espère que cet article a été utile que tu sois concerné•e ou non, que la lecture n'a pas été trop abrupte, et un minimum instructive. La réalité est curieusement à la fois plus détaillée, mais également plus simple que les clichés et les idées reçues.

Pour ma part, c'est bête, mais je ne pensais pas qu'écrire cet article me fasse autant de bien, une fois arrivée à sa conclusion5.

Au plaisir 👋



  1. Sans entrer dans le détail de ma vie privée, mais pour expliquer l'ampleur, je suis partie de mon ancienne boite, j'ai coupé les ponts avec certaines de mes connaissances, et pour d'autres raisons, ma relation de 4 ans et demi s'est terminée au même moment. 

  2. Les flacons sont dosés, un appui (ou pression) sur l'embout donne pile la quantité d'une dose à chaque fois. Donc j'étais au début à 3 doses par jour. 

  3. Non sérieusement, cela reste des hormones, potentiellement cela peut causer des dérèglements hormonaux chez les autres êtres vivants que tu côtoies en cas de contact, donc on évite, et dans tous les cas, on se lave bien les mains après. 

  4. Attention quand même, certains mouvements qu'on pouvait faire avant sans douleur, bah ça peut surprendre avec une poitrine qui devient sensible. 

  5. En ce moment, je suis dans une phase vraiment down, donc cela fait du bien, mais bref, ce n'est pas le sujet, et dans tous les cas, je suis bien mieux que pré-coming out. Ah oui, et si tu me connais perso, je n'écris pas ça pour que tu viennes m'en parler.