6 mois sous œstrogènes

Il est temps que je te fasse une mise à jour de l'évolution de ma transition et parler un peu travail, relations, médical, bref, une trans dans la société. Puis en plus cela tombe bien, on est sur la fin du Devoxx Paris 2023, où je suis allée faire un tour pour me changer les idées un peu, j'en avais besoin.

Par quoi je commence ?

Mon souci avec les sujets transverses¹, c'est que je ne sais jamais comment les commencer, et là, il y a des choses à raconter, installe-toi va y avoir un long article avec de l'émotion, du rebondissement et des peines de cœur, c'est le blockbuster du blog (non).

Le physique

Le plus évident d'abord, le physique. 3 mois de plus ne me paraissaient pas apporter tant, mes cheveux ont bien poussé, ça me permet de les attacher. Mais finalement, c'est déjà énorme pour le moral, j'ai l'air de ma mère par moments, d'ailleurs (à mon âge hein, pas à son âge à elle maintenant).

Mais c'était sans compter l'avis de celleux qui ne m'avaient pas vue depuis plus de 6 mois... Apparemment mon visage s'est beaucoup affiné, et on m'a même complimentée plusieurs fois sur mon physique (même au boulot, j'ai eu un message privé super sympa sur le slack d'entreprise).

Donc, oyez, personnes en transition, si vous avez la force, pensez à vous prendre régulièrement en photo, ça aide à voir la progression. On ne se voit pas tant changer quand c'est nous, mais les photos et les ami·e·s aident beaucoup.

Et d'ailleurs, petit moment de joie à Devoxx hier où j'ai eu le plaisir de revoir une super connaissance qui ne m'avait pas vue depuis 8 mois et qui... ne m'avait tout simplement pas reconnue ! Franchement, le bonheur ! 10/10 je recommande !

Vraiment, le « Thea ? C'est toi ! Je ne t'avais pas reconnue ! » m'a donné une très belle émotion forte. Toi qui m'as dit ça, je t'adore fort, fort, fort ! Et justement, en parlant d'émotions fortes... On va parler du système émotionello-mental².

Le mental et l'émotionnel

Principalement, les 3 derniers mois, ont été intenses, il y a eu beaucoup de choses, des choses très belles, des choses beaucoup moins. De la joie, de la souffrance, beaucoup de souffrance, mais aussi, beaucoup d'apprentissage de qui je suis et comment je ressens. Mais le plus intense :

• Les hormones, ça me fait vivre des émotions x1000, c'est une folie, je n'étais tout simplement pas prête. Tout ce que je pouvais ressentir avant, est décuplé, en nombre, en intensité, en expressivité, sauf la colère, étrangement absente.
• Ajoute là-dedans de belles émotions fortes, qui grandissent et prennent une place immense³.

MAIS ce n'est pas tout non, non, non petit démon ! Que nenni cher·ère·s ami·e·s. De février à avril, j'en ai eu bien d'autres, des intensités. Je me suis exposée sur Twitch (on en parle après), remise en question dans mon travail (on en parle après), et j'ai tissé de beaux liens (on n'en parle pas après).

Puis, je me suis beaucoup plus ouverte sur mes sentiments, je suis en accord avec ma personnalité beaucoup plus introvertie, en même temps beaucoup, BEAUCOUP plus encline à parler de mes sentiments et de mon ressenti sur les choses. Ce qui rend mes rapports amoureux bien plus sains d'ailleurs.

Ma parole se fait plus rare, mais j'aime profondément plus mes interactions humaines. J'ai commencé à nouer des liens bien plus importants avec certaines personnes, et ce que j'ai perdu en relation amoureuse, je l'ai gagné en relations amicales authentiques.

Trigger Warning : le paragraphe qui suit parle de choses qui peuvent réveiller des traumas ou toucher ta sensibilité, tu n'es pas obligé·e de lire, vraiment, passe au paragraphe suivant si tu ne le sens pas, parce que ce n'est pas joyeux.

Ma souffrance m'a renvoyée à mon vécu passé. J'ai revu et j'ai dû ré-affronter des détails de ma vie enfouis au fond de moi durant des années. J'ai dû faire face aux viols subis quand j'étais encore une enfant, et à ma première relation (19 ans, elle en avait 26) qui a brisé ma joie. J'ai connu la séquestration physique comme morale, j'ai été violentée... Toutes ces choses qui ont nourri ma propension à m'excuser constamment de tout, toutes ces choses qui ont construit ma peur du rejet et de l'abandon... Bientôt 30 ans, il était temps que tu retournes sur tes traumas, Thea.

Fin du Trigger Warning.

Tu t'en doutes, ces événements et ces émotions ont eu un impact considérable sur mon travail de tous les jours, ainsi que sur mes activités de free-lance. Disons que comme attendu, il y a en effet des répercussions sur le travail, et pas des moindres.

Le pro

Pour le contexte, je suis développeuse back-end depuis plus de 7 ans, donc même si je ne me sens pas toujours au top, je commence un peu à savoir de quoi je parle quand j'en parle. Même si ma légendaire propension à douter de moi n'aide pas.

Et avec ma transition tout est perturbé. Faire du contenu, voir des personnes, m'intéresser à elleux, faire des choses plus sociales, plus humaines, ça me manque. Je me tâte à découvrir d'autres pans de mon métier, et en ce moment, on me parle pas mal de DevRel, cela me tente.

En parallèle, j'ai énormément pris de plaisir à me réaliser sur une activité que je ne pensais pas revoir dans ma vie... Twitch. C'est moi, Thea, qui me retrouve dans un lieu d'expression, un lieu de partage collectif qui nous appartient et dans lequel je m'éclate en direct en ligne.

Poussée par les personnes qui m'entourent et le besoin de me changer les idées, j'ai rouvert mon compte, changé mon nom, adapté l'identité graphique, et j'ai repris les lives. Et j'adore, on fait du gaming, on partage des conseils tech et autres, je me sens soutenue, et c'est agréable.

Je suis même devenue affiliée, envie d'avoir la force de continuer, mais je fais une pause des réseaux, besoin me ressourcer. J'ignore quand et si je reviendrai sur certains (Hey Twitter⁴) mais j'ai envie d'échanger et de continuer sur la voie de Twitch, j'aime ça, et surtout, j'y rencontre des personnes formidables.

Mais voilà, si je suis partie, c'est à la fois sous l'émotion, mais aussi parce que je souhaitais soigner un peu plus ma transition, j'ai besoin de prendre du recul, de prendre un peu de temps de mon côté... Et ça tombe bien, puisqu'il faut aussi gérer le médical.

Le médical

Je n'ai pas encore pris rdv pour ma prise de sang des 6 mois, donc je ne connais absolument pas les résultats du doublage des doses d'il y a 3 mois, mais cela va arriver assez vite. Puis vu mon état, on peut dire que je sens bien les hormones, pas de doutes.

Donc, je disais, niveau santé, on sent bien les hormones, sur les 3 derniers mois, j'ai eu des semaines avec de la fatigue, des crampes à l'estomac, des sautes d'humeur, des courbatures au dos, et même certaines semaines, je prenais absolument tout de travers.

Décidément, c'est difficile la crise de la trentaine (franchement, est-ce que ça pourrait être autre chose, genre, un SPM ? 🤡). À ce propos, je pense faire le rendez-vous des 6 mois juste avant mes 30 ans, pour la symbolique, à voir les dispos de mon médecin⁵.

En revanche, j'ai pu avoir mon premier rendez-vous chez l'orthophoniste et quel plaisir ! Ce fut galvanisant, selon elle, ma voix est déjà pas mal (au fait, une connaissance adorable pensait que j'étais déjà à un stade avancé de travail sur ma voix, alors que pas du tout 🥰).

On se lance donc dans une féminisation de ma voix, et pour le moment, la voie entamée est plutôt encourageante. J'ai déjà une voix androgyne, une diction et une capacité à modeler un peu mes cordes (merci le théâtre, et merci la musique quand j'étais petite).

Et j'arrive ENFIN à mes dernières séances d'épilation définitive du visage, c'était difficile à endurer, mais les résultats sont bons, il n'y a déjà quasiment plus rien et j'ai une peau toute douce et aucune marque, vraiment ma dermato est top ! Maintenant, place à l'épilation des jambes 😠.

Bon, tout ça pour dire que ces 3 mois ont été éprouvants, mais aussi intéressants, j'entrevois un futur et j'essaie de sortir de mon état. Écrire cet article m'a permis de faire un point et il marque aussi un peu le deuil d'une très belle relation. Une page se tourne, un chapitre s'ouvre.

À la prochaine ✌️.