Boum. Boum. Boum.

C'est un tumulte de coups qui perturba le sommeil des deux endormies. Quelqu’un, ou quelqu’une, tambourinait et était, selon toute évidence, décidé·e à dégonder la porte d’entrée de leur chaumière. Et Laetitia ne connaissait qu’une seule personne capable de faire ça. Dans la chaleur du lit de Maeva, elle fronça les sourcils sous la tempétuosité qui grondait à la porte.

Nous avons connu le calme, maintenant la tempête, Maeva s’esclaffait, était déjà levée et finissait de se changer. Je m’occupe du petit déj pour nous quatre, je te laisse t’occuper de la terreur des vestibules. Elle embrassa Laetita sur le front avant de sortir de la pièce, j’espère qu’elle ne va pas finir par réveiller Elea !

Les grognements de Laetitia s’harmonisaient étrangement bien avec le rythme des coups de l’entrée et des bruits de cuisine de Maeva.

La mine lassée, Laetitia se leva et ajusta sa nuisette, les yeux semi-fatigués, semi-désabusés, puis entreprit de traverser le couloir à la mesure des chocs réguliers de la porte d’entrée.

Elle ouvrit.

Devant elle, accoudée à l’encadrement, une silhouette musclée, qui faisait facilement une tête de plus qu’elle la toisait du regard avec un sourire narquois.

Salut Laetitia, c’est ta dépression, alors, je t’ai manquée ma douceur divine ?

Soupir, et la grande méchante louve souffla, souffla et souffla encore, mais la maison resta debout… C’est à se demander pourquoi le petit cochon lui ouvre la porte.

C’est marrant, tu genres le loup au féminin, mais pas le cochon ? Pourtant en latin lup—. Oui Val, oui. On va éviter la linguistique de bon matin, tu es au courant que je t’ai donné les clés ?

Oh, sympa la déco, le style rangé, ça change d’il y a quelques semaines, j’adore ! Ça fait plaisir de te voir aussi radieuse, toi aussi tu m’as manquée petit ange de mes nuits.

Val était entrée et on pouvait sentir un farouche contraste dans l’atmosphère entre les deux jeunes femmes. Atmosphère que seule Maeva vint apaiser, en pouffant devant le spectacle de Val moqueuse et guillerette face à une Laetitia blasée et déjà saoulée. Le rire de Maeva avait ce pouvoir de dérider Laetitia et calmer les taquineries de Val.

Salut Val, Maeva continuait de rire en parlant, tu manges avec nous ? J’ai fini de préparer la table pour quatre. Mais grave ! En plus j’ai une de ces dalles, j’ai une faim… de louve.

Laetitia leva les yeux au ciel.

En plus j’imagine que s’il y a quatre couverts, c’est que vous avez bien croisé Elea hier soir ?

À vrai dire, c’est Laetitia qui m’a prévenue, moi j’étais déjà couchée.

Oui, j’ai trébuché sur mon vieux sac que je lui avais filé dans le couloir, mais comment tu sais qu’elle est là toi ?

Val ôta ses chaussures, posa sa veste sur un des supports de l’entrée, puis se laissa tomber sur une des chaises de la table à manger pendant que Laetitia refermait la porte. Elle eut un regard ironique vers la petite brune. Je lui ai donné mes clés hier, vu qu’elle a perdu les siennes.

Maeva finit de dresser la table pour le petit déjeuner, et prit place à côté de la grande Val. Ça explique donc notre réveil en fanfare, mais à y être, tu aurais pu rentrer avec elle hier soir non ?

La moqueuse du matin eut un rictus gêné. Eh bien, en fait, j’étais un peu occupée hier soir, j’allais pas dire non à une dernière soirée avec une amie… très, très proche.

Donc tu es trop occupée à ken pour t’occuper d’Elea, et tu la fais rentrer seule à la maison, super.

Laetitia était cinglante, elle avait dit ça d’un ton calme, mais ça avait quand même fait mouche et Val accusait le coup. Son visage se fit un peu plus dur.

Pas envie de parler à la place d’une personne qui n’est pas là. Tout ce que j’ai à vous dire, c’est que j’ai dû faire le nécessaire pour la sortir d’une situation dont elle n’arrivait plus à se sortir. Je peux gérer tes jugements hâtifs et hors sols, Laeti, mais Elea ne pourra pas, elle a besoin d’amour, pas de punchlines.

Maeva sentit l’ambiance devenir électrique entre les deux. J’vais faire du café hein, aller.

Oh tiens, l’ambiance habituelle est de retour, ça m’avait presque manqué.

Les deux duellistes tournèrent leur attention vers l’origine de cette phrase qui avait été dite sur un ton morne, à peine éveillé. Le visage de Laetitia s’adoucit. Même si elle ne le montrait pas, elle avait bien compris et reçu le message de son adversaire matinale. Elea a besoin d’amour, pas de punchlines.

Salut chaton, viens par ici, le petit déjeuner est servi, tu dois avoir faim. Laetitia tira la chaise à côté d’elle pour Elea.

Et c’est ainsi que lentement, d’un pas mal assuré, Elea vint s’asseoir, non pas sur la chaise proposée, mais directement enfouie dans les bras d’une Laetitia surprise mais qui commençait à comprendre l’ampleur des mots de Val.