J'écris cet article suite à un énième partage de ce que je ressens parfois auprès de proches, de « spécialistes » de santé, ou globalement toute autre personne n'ayant aucune connaissances particulières sur mes sujets, pour exprimer ici une fatigue.

Cette fatigue n'est pas spécifiquement propre à ma transidentité, ni même d'ailleurs à ma personne, c'est global, et je pense que toustes nous avons déjà vécu ce genre de situation.

Le besoin d'être écoutée

C'est curieux de constater que tout le monde nous sort constamment comprendre la différence entre écouter et conseiller.

Alors pourquoi absolument personne ne le met en pratique ?

Pourquoi je passe mon temps à devoir expliquer que, non, tel conseil n'est pas adaptable à mon cas, ou que non, j'ai déjà pensé à ce que tu me dis, voire je l'ai déjà fait ?

Tant de temps à devoir rediscuter de conseils non sollicités, donnés par des personnes qui ne sont non seulement pas à ma place, mais en plus, ne me laissent même pas finir de m'exprimer. C'est épuisant.

Parfois, on demande simplement à être écoutée, à pouvoir exprimer ce qu'on a sur le cœur, sans forcément avoir besoin de conseils, ou de solutions.

D'autant que souvent, la personne en face est tellement focalisée sur le fait de vouloir donner un conseil à tout prix, qu'elle ne prend même pas le temps de comprendre. Elle ne possède donc pas toutes les informations, et juge quand même bon de donner un conseil qui n'est, de fait, pas adapté.

On finit toujours par perdre à ce jeu-là.

L'une, parce que ne se sentant pas écoutée se fatigue et pousse à ne plus partager ce qu'elle ressent à l'avenir... si c'est pour se recevoir des « bah, tu n'as qu'à faire ceci ou cela » comme si ce que ce qu'elle traversait n'était qu'un problème mineur, ce n'est pas la peine.

Et l'autre parce que de ce conseil ne sera pas suivi, car il n'est pas adapté, et donc la personne qui le donne se sentira frustrée.

C'est tellement bon pourtant, de se sentir écoutée, de se sentir comprise, ça résout tellement plus de choses.

Le comique de répétition, pas si comique que ça

En fait, ce sont toutes ces répétitions qui forment un ressenti global, lourd, pesant, obstruant.

En fait, au lieu d'apporter une solution, ça crée un nouveau problème.

Conseils et réflexions finissent par se confondre et peser sur le moral, en plus de n'être pas ou peu utiles.

Je ne suis pas la seule à fonctionner ainsi.

Et j'ai bien le sentiment que c'est une chose commune, de vouloir être écoutée, d'ailleurs souvent partagé par les mêmes personnes qui ont tant de mal à l'appliquer, moi comprise, évidemment. Ce qui ne m'empêche pas de pousser mon coup de gueule lors de ces situations où on se sent incomprises.

Parce que c'est épuisant.

Parce que si une personne demande un conseil, elle le demande.

Même à l'écrit, un simple émoji et quelques questions suffisent à démontrer qu'on est dans une écoute active envers une personne.

Un jour, je suis tombée sur une personne qui disait ne voir aucun intérêt à « juste écouter » et faire des commentaires du genre « je comprends » ou des emojis cœur ou calins à distance. Et j'ai trouvé cela d'une tristesse infinie.

Parce que c'est justement ce dont on a besoin.

Il n'y a pas que des conseils, vraiment la diplomatie ?

La diplomatie, c'est de la communication. La communication, c'est de l'écoute.

Je ne parle pas de diplomatie au sens ronds de jambes et compagnie, mais de prendre conscience de la manière dont on s'adresse à une personne. Prendre conscience de qui on a en face de soi, de ce que cette personne traverse, de ce qu'elle nous raconte.

Et de s'adapter.

Histoire d'éviter de donner des phrases toutes faites, qui sonnent comme des reproches, ou qui tombent hyper mal dans le contexte. Ce n'est drôle que dans les films à l'humour anglais.

Les "tu es trop pressée", "tu es trop impatiente", "tu dramatises trop", "tu n'as pas assez réfléchi", "tu n'as pas assez vécu", "tu es trop jeune", "tu es trop vieille", "tu es trop ceci", "tu es trop cela", tu es trop tout.

Il y a les "tu es trop", "tu n'es pas assez"...

Et il y a les "tu es", "tu n'es pas", tout court, qui sont tout aussi violents.

Je vais me garder d'en donner aussi les exemple, on a toustes déjà entendu ce genre de réflexions. On a toustes déjà entendu des personnes nous dire que nous ne sommes pas ce que nous sommes, ou que nous sommes ce que nous ne sommes pas.

Et c'est épuisant.

Et c'est blessant.

Et c'est violent.

Et venez pas me dire que je suis forte ou au dessus de ça, ou de relativiser, ou je ne sais quoi.

Ce sont ces réflexions, ces projections, ces petits artefacts de communication, insipides, impersonnels, impertinents, qui effritent, qui font se dire au bout d'un moment qu'on n'est de trop, ou qu'on n'est pas assez.

Et je ne sors pas ça de nulle part, que ce soit en management ou en relations humaines, familiales, amicales, sentimentales, ou autres, il est mention de ce fameux "le tu, tue".

Le tu, tue, parce que c'est une manière de résumer une personne, de lui mettre une étiquette, bref, de s'exonérer de l'écoute active, et de la dépersonnaliser, pour résoudre des problèmes.

C'est une fuite. Au lieu de construire, on évite.

Mon exemple quotidien

Je vais prendre un exemple concret, qui m'arrive régulièrement.

Je vais faire simple, ne vous avisez jamais de vouloir faire « dédramatiser », une personne sur sa transition. On a toustes déjà attendu bien assez pour pouvoir sortir de notre œuf, entamer (ou non) les diverses procédures culpabilisantes, qu'elles soient administratives, légales ou que sais-je.

La simple idée de vouloir nous faire « dédramatiser » est presque aussi violente que les violences frontales que nous subissons de plein fouet.

On ne dramatise pas nos vies.

Transitionner n'est pas un caprice.

En revanche, le simple fait de réutiliser les termes que j'emploie, ou de me poser des questions dessus, ça, ça fait un bien fou. Ça me permet de me sentir écoutée, comprise, et ça me permet de me sentir moins seule.

C'est con mais, vouloir faire illusion de comprendre, pour surtout ne pas demander un éclaircissement, c'est penser d'abord à soi, à son image.

C'est comme réfléchir à ce qu'on va dire, au lieu d'écouter ce que l'autre dit.

C'est comme vouloir donner un conseil, au lieu de comprendre ce que l'autre vit.

Dans les films, c'est un comique ridicule, dans la vraie vie, c'est oppressant.

Et pour le mot de la fin, si tu es concerné·e, si toi aussi tu t'es reconnu·e dans ce que j'exprime, je te transmets mon soutien. Peut importe notre genre ou notre orientation, personne n'a le droit de nous dicter qui nous sommes. Absolument personne.