2 ans.

2 ans. Le 2 novembre 2022, je poussais la porte de la toute première pharmacie parisienne (une proche de la Gare de l'Est) que j'avais trouvée sur mon chemin en rentrant de chez le médecin. À peine une heure après avoir eu mon ordonnance, je ressortais avec mes fioles d'Œstrodose en main, c'était parti pour la monothérapie.

Et 2 ans plus tard, je n’éprouve absolument pas le moindre regret d'avoir entamé cette aventure. Même si ce jour-là c'était une sacrée chute libre que je m'apprêtais à faire.

Je pense que cet article sera probablement le dernier sur mon expérience du THS en particulier, enfin, je n'en sais rien, mais il me semble qu'il me faut aussi garder certaines choses pour moi. Nous touchons déjà à beaucoup de ce que je peux dire de moi dans ces articles.


Disclaimer

Je le rappelle encore, mais cela concerne mon expérience et mon THS (traitement hormonal de substitution) cela ne s’applique pas à toustes, et je vous invite à vous rapprocher d’associations et de sites plus complets comme le wikitrans.

Si tu veux lire mon expérience depuis le début, je t’invite à retrouver ma série du cycle de THS ou directement commencer par mon article des 3 mois.

Pour information. Je parle de mon THS pour sensibiliser sur le sujet, donner un retour de mon expérience et aider les adelphes qui se posent des questions ou se sentent seul·es à vivre cela, mais je tiens à préciser qu’un THS n’est pas une condition à la transidentité.

Notre identité de genre nous est propre et faire ou non un THS n’a aucune incidence quelle qu’elle soit sur notre légitimité à exprimer cette identité.


Petit résumé de ma première année de THS

Je vais aller vite ici pour schématiser mais globalement, les 3 mois représentent mes premières prises légères et ascendantes en monothérapie (c’est-à-dire seulement des œstrogènes). Je te parle de mes premiers changements sur mes flux d’émotions, sur mon moral, les premiers effets physiques et ressentis.

Au terme de 6 mois, je ne pense pas que tout soit lié directement au THS, mais je me souviens du bonheur tout bête de constater que je prends l’air de ma mère. En extérieur, certaines personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps sont très surprises des changements. C’est aussi ce moment où je commence l’épilation laser et l’orthophoniste. Mes 6 mois découvrent aussi un changement sur ma manière d’aimer, sur mes sentiments, sur mon relationnel, bien que je pense aujourd’hui que c’est aussi dû à ma libération d’identité au global qui en est responsable.

9 mois, c’est mon rapport au corps qui s’améliore, c’est un début, même si tout n’est pas linéaire et à l’heure où j’écris, certains de mes complexes corporels sont revenus. Mais je sens pour une fois que mon corps m’appartient, et cette sensation va continuer de s’affirmer sur mes un an.

2 ans alors

On peut se dire que je dois en trouver pas mal à raconter des choses, vu que cela fait un an quand même là où j’avais tant à raconter en 3 mois, un an ça doit foisonner. En réalité, pas tant que ça. Bien entendu, il s’est passé beaucoup de choses, mais concernant mon THS, hormis des anecdotes par-ci par-là, le reste s’est passé de manière assez continue. Enfin presque, si je dois avoir 2-3 choses à dire encore.

Mes différentes formes de THS

C’est vrai que j’ai commencé en monothérapie avec du gel, j’avais même fait un tuto sur comment s’en mettre pour maximiser l’assimilation. Mais ce n’est pas le seul mode d’administration que j’ai connu, ni même celui que je continue d’utiliser aujourd’hui. Petit parcours.

Vers la fin de la première année, j’ai commencé à remplacer le gel à s’étaler sur le corps par des gélules, que j’ai d’ailleurs cumulées avec des bloqueurs de testostérone.

Et j'ai continué comme ça jusqu’en mai 2024, pour ensuite sortir de la monothérapie, en ajoutant la prise de progestérone, étant donné que j’arrivais au terme de mon stade 3 de Tanner.

L’échelle de Tanner, c’est une échelle permettant de jauger les modifications corporelles et suivre sa puberté, car oui, c’est effectivement une deuxième puberté. Je fais un petit point sur la progestérone juste après.

J’ai aussi encore changé mon mode d’admission d’œstrogène pour des injections sous cutanées. C’était difficile au début, d’autant que je me les injecte seule. Ça reste du sous-cutané, c’est encore gérable. Pour les bloqueurs, je suis récemment passé aux injections aussi… Enfin, il y a genre 5 minutes au moment d’écrire cet article, j’ai ouvert la boîte, j’ai vu la taille de l’aiguille, j’ai refermé la boîte, on verra plus tard.

Bref, néanmoins les injections sont parvenues à apporter un changement immense sur deux choses :

  • La quantité d’œstradiol dans mon sang
  • Sa stabilité

Je ne le dirais jamais assez mais ce sont deux choses vraiment importantes. En revanche, cela a eu un coût sur les premiers mois, car j’ai eu un delta en œstrogènes très grand au passage des injections, ce qui a déclenché beaucoup d’instabilité émotionnelle (et aggravé ma dépression, qui a mis du temps à se remettre).

Cela dit, je ne regrette pas d’être passée aux injections une seconde.

Progestérone, cycle et transition

Aller, je l’avais dit, alors petit point sur la progestérone (progé pour les intimes). Je donne juste ici une observation succincte, mais je laisse soin aux personnes d’aller se renseigner dans la littérature scientifique sur le sujet. Mais en gros, la progestérone dans une puberté féminine cisgenre couramment observée intervient entre le stade 3 et 4 de Tanner, elle est souvent (mais pas systématiquement) conjointe à l’apparition des premiers écoulements sanguins des règles. Elle joue plusieurs rôles, notamment celui de réguler le cycle hormonal et ses phases (phase folliculaire, ovulatoire, lutéale) et celui de venir modifier le comportement des cellules graisseuses, notamment mammaires, pendant la fin de la puberté.

Je vais donner un peu plus d’informations.

Pendant le cycle

Un cycle menstruel se découpe en 3 ou 4 parties (suivant comment on divise) :

  • La phase folliculaire (env. 13 jours) Du début des écoulements des règles, à la phase où on se sent mieux #YouGoGirl juste avant l’ovulation.
  • La phase ovulatoire (2-3 jours) La phase où on est au top, l’empathie est au maximum (la libido aussi commence à être décontractée).
  • La phase lutéale (env. 13 jours) Juste après la phase ovulatoire, on est au top encore quelques jours eeeeeet… La progestérone augmente, et on entre dans le #SPM (syndrôme pré-menstruel), bonjour les douleurs, au revoir la bonne humeur, la progestérone continue jusqu’à la fin de cette phase, terminée par les règles et un nouveau cycle.

On peut aussi découper en Hiver / Printemps / Été / Automne, oui, de suite ça fait moins scientifique, mais c’est tout aussi parlant. C’est le découpage que j’utilise, ça me permet de mieux me repérer (faut dire que mes SPM sont bien énervés pour ma part, donc je les sens bien quand j’y suis). Bref.

Quand on a tout ces éléments, mais pas d’utérus, on n’a pas de sang pour savoir où on en est avec certitude. C’est difficile de savoir à quel moment prendre la progestérone pour correspondre à la phase lutéale, alors on se raccroche à ce qu’on peut en espérant que ce soit ça et pas autre chose. Combien de fois j’ai eu les mêmes symptômes de SPM à deux semaines d’intervalles sans savoir lequel était mon SPM…

Aller un poti schéma pour illustrer tout ça :

Un schéma en forme de camembert, en 5 parts, avec, dans le sens des aiguilles, une part Hiver, Les règles, du jour 1 à 6, Printemps du jour 7 à 13, l'ovulation du jour 13 à 15, Été du jour 14 à 20 et Automne, le spm, du jour 21 à 28. Hiver et Printemps forment la phase folliculaire. Été et Automne la phase lutéale c'est là qu'intervient la progestérone, du jour 14 à 28. Et entre les deux, la phase ovulatoire.

Pendant la transition

Sinon, pendant la puberté, la progé remplit aussi un autre rôle, celui de gérer la répartition des graisses, notamment, les cellules mammaires. Pour faire simple, la progestérone va avoir deux actions :

  • Stopper la multiplication des cellules mammaires, ce qui stoppe la croissance des seins,
  • Maximiser le volume de ces cellules, ce qui change la forme (aréoles plus élargies, et forme différente, moins tubulaire, même si ça dépend aussi de la morphologie de chaque personne, évidemment).

En d’autres termes, c’est pour ça qu’il ne faudrait pas commencer un THS avec de la progé (après, l’arrêt de la multiplication n’est pas irréversible, il reprend quand on arrête la progestérone pendant un moment).

Il est conseillé d’attendre le stade 3 de Tanner (généralement 1-2 ans après le début du THS) avant de commencer la progestérone, là où on maximise au contraire le nombre de cellules multipliées, et de fait, l’augmentation du volume de ces dernières aura donc plus d’impact.

Anecdotes de transition

Bon, et si on terminait sur une note légère ces deux années écoulées ?

Alors c’est parti.

  • Cette année, j’ai pris un bonnet de soutien-gorge 💅. Plus sérieusement, c’est surtout mon rapport au corps qui a encore changé. Je m’assume plus, et je bascule chaque jour un peu plus de la dysphorie corporelle vers des complexes sur mon corps (c’est une évolution, en un sens, on va dire…).
  • Ma mère a déjà marqué un moment de bug en me voyant en sous-vêtement. L’euphorie de genre que ça m’a donnée, j’étais aux anges.
  • D’ailleurs, récemment elle a remarqué que j’avais totalement changé aussi mes habitudes vestimentaires chez moi. Avant ma transition, il était impensable de me voir autrement qu’en vêtements pour dehors, même chez moi. Elle m’a dit qu’elle me sentait bien plus à l’aise chez moi aujourd’hui (déjà je suis souvent en sous-vêtements chez moi, mais aussi j’ai une bien meilleure gestuelle, je suis moins en mode rasage de murs, recroquevillée sur moi-même). Et ça, il a fallu qu’on me le dise pour que je m’en rende compte.
  • Ma mère a essayé de me lisser les cheveux au fer à lisser. Ce fut un échec (non, il n’y aura pas de photos).
  • J’ai percé mon septum ! Il y a d’ailleurs une sacré histoire sur ce sujet, mais c’est déjà pas en lien avec le THS, donc ce sera pour une autre fois).
  • Je suis allée me faire bronzer sur la plage complètement topless (et après j’ai appris qu’il ne fallait pas faire ça, apparemment c’est pas bien du tout pour la peau et les seins, c’est cancérigène).
  • Je suis tombée sur une photo de ma grand-mère jeune et je trouve qu’on a un air de ressemblance. La sensation d’euphorie était palpable ce jour-là.
  • Je suis allée à un mariage, et en oubliant que j’avais transitionné, j’ai revu quelqu'un que j’ai salué, il ne m’a pas reconnue et sa femme m’a regardée de travers avant que je puisse leur expliquer (ça s’est bien terminé).